Dieu n’a pas créé la nature : revue de presse
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Présentation (sur YouTube) ⤵️

L’Histoire (mars 2023) : « Des Juifs et des arbres »

Radio chrétienne de France (RCF) (25 et 31 janvier 2024 : deux entretiens avec Odile Riffaud)

  • La place de la nature dans le judaïsme (1/2) L’arbre, un symbole fort

Esprit ( janvier-février 2024) : recension par Jean-François Bouthors) ⤵️

… Jean-Christophe Attias, auteur d’un remarquable Moïse fragile, en 2015, propose ce qu’il appelle un « vagabondage » dans les Écritures, manière de revendiquer une certaine légèreté, de ne pas se poser comme un maître, mais d’éveiller la curiosité. Vagabonder, c’est laisser place à la surprise, à une certaine insouciance même, c’est aussi faire un permanent aller-retour entre soi et le paysage dans lequel on se déplace, en étant guidé par des motions intérieures qui viennent de loin. Tel est sans doute le côté déroutant de son ouvrage pour ceux qui seraient en quête de « doctrine » ou de « réponses ». Il s’agit plutôt, pour Attias, de collecter de quoi réfléchir et surtout questionner. Ne manquant pas de talent de conteur et d’auteur, il met en scène ses propres interrogations, celles qui naissent de son histoire personnelle et celles que suscite en lui le monde dans lequel nous vivons. Il le fait avec sa grande connaissance, non seulement de la Bible, mais de la tradition de commentaires juifs qu’elle a nourrie, notamment au Moyen-Âge.

Le livre est savoureux, parfois un peu agaçant par un excès d’égotisme, mais sans doute l’auteur a-t-il pensé que c’était une manière de rapprocher son propos du lecteur, de lui faire sentir qu’il n’était pas question de proposer une théologie abstraite, mais de découvrir comment le « vieux » texte biblique et ses commentateurs peuvent éclairer, avec les questions les plus contemporaines, celles qui peuvent traverser tout un chacun. Le pari, ce n’est pas de se donner comme exemple, mais de faire sentir, non sans humour, que la singularité ouvre sur l’universel et que, par conséquent, pour qui le souhaite, il est toujours possible de tisser avec le texte et sa tradition des liens existentiels.

Attias aime volontiers prendre à contre-pied son lecteur. Ainsi du titre, Dieu n’a pas créé la nature, qui semble s’inscrire en faux devant l’affirmation initiale du livre de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Citant Rachi, il affirme que « ce verset biblique ne dit rien d’autre qu’“Explique-moi !” » et que si « la Torah est bien un livre, […] elle n’est pas une histoire ». D’ailleurs, poursuit-il, la Torah, la Loi, à proprement parler, ne commence pas là, mais beaucoup plus loin, au douzième chapitre de l’Exode, avec le commandement de fixer les mois… Tant et si bien que son vagabondage a pour point de départ non pas le récit de la création, mais le don de la Loi, choix qu’il justifie en citant un rabbin du iie siècle qui la compare à un arbre magnifique. Cela pour dire que la « nature », si belle soit-elle, ne doit pas distraire celui qui lit le Livre d’y chercher le chemin de son existence.

De là, l’auteur ne cesse de montrer comment s’entremêlent la Loi, la nature et l’humanité. Il raconte également que cet entremêlement ne va pas de soi, qu’il doit être interrogé et que la Loi, prise à la lettre, n’a pas réponse à tout – notamment, souligne-t-il, aux questions de genre. Il est bien évidemment impossible de synthétiser cette dérive volontaire, souvent stimulante, dont l’intention est de nous montrer que la Bible et sa tradition sont loin d’avoir dit leurs derniers mots et qu’elles recèlent bien des ressources pour « subvertir la nature des choses » – c’est-à-dire le fait de se laisser aller à croire qu’elles sont ce qu’elles sont de manière immuable. De cette nécessaire subversion, fait comprendre Attias, le judaïsme n’est pas exclu. Et d’ailleurs, tout en s’en revendiquant, il ne se prive pas d’exercer sur lui un regard critique. Au fond, son livre est un plaidoyer pour une pensée toujours remise en mouvement. Vagabondage, disait-il…

Le Monde (recension de Macha Fogel, 25 novembre 2023) ⤵️

Sous-titré « Judaïsme et écologie », le livre de l’historien et philosophe Jean-Christophe Attias « ne propose aucun modèle », comme en est d’emblée averti le lecteur. Il offre plutôt une promenade émouvante dans la biographie de l’auteur, fils d’une catholique charentaise et d’un juif venu d’Algérie, converti à la religion de son père, travaillé par la tension entre filiation et rupture volontaire dans la constitution du peuple juif comme dans celle de sa propre identité.

Au long de cette flânerie, le chercheur croise les beautés de ce monde, arbres, oiseaux, champs et déserts et s’interroge, comme les exégètes juifs antiques et médiévaux dont il analyse les textes : un arbre est-il un homme ? Quelle est la place de l’humain dans le monde ? Comment comprendre l’obsession, dans la Loi juive, pour la distinction et la catégorisation ? Sa hantise du mélange ? Ses interdits alimentaires (celui du mélange entre le lait et la viande, par exemple) ou vestimentaires (porter une étoffe faite de lin et de laine, c’est-à-dire d’éléments végétaux et animaux à la fois, est proscrit) ? Mais aussi sa méfiance vis-à-vis des rapprochements entre juifs et non-juifs, ou la séparation entre hommes et femmes qu’elle commande ?

L’honnêteté intellectuelle de l’auteur est profonde : il ne cherche nullement à faire une lecture apologétique de la tradition juive ancestrale pour la transformer en manuel progressiste. Bien au contraire, à rebours de ses propres opinions politiques, le judaïsme dont il parle « n’est pas moderne, pas de gauche, pas féministe, pas gay-friendly. Il n’est pas écologiste non plus. Il a cependant un mérite : il s’abstient de penser la Nature. C’est le monde qui lui importe, et l’animal humain en fait partie ». Et si l’espérance juive messianique était celle d’un monde dans lequel « ce qui distingue, enfin, ne divise plus » ?

Le Point (interview par Jérôme Cordelier, 20 avril 2023) ⤵️

Voici un livre qui déroutera et charmera les esprits curieux. Fort de sa connaissance fine des Écritures, Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) et auteur de nombreux ouvrages, invite à un vagabondage tant spirituel que littéraire dans la multitude de textes qui ont façonné le judaïsme, jour après jour, siècle après siècle, tant l’écrit et la transmission en ont forgé l’histoire. Avec cet opus au titre provocateur, inspiré de Magritte, Dieu n’a pas créé la nature, mêlant exégèse et souvenirs personnels, l’intellectuel défriche un chemin dans les foisonnements de la pensée juive et les méandres des paysages qui nous entourent. Le lecteur ne s’ennuie jamais en suivant ces rêveries d’un promeneur solitaire dans ce texte luxuriant au style plaisant, que l’on savoure avec gourmandise. Entretien avec un flâneur spirituel.

Retrouver le texte intégral de l’interview.

Le Point Références (juin 2023) ⤵️

Marianne (recension de Rachel Binhas, mise en ligne le 20 juin 2023)

Politis (30 août 2023) ⤵️

Akadem (Les Cinq Livres, interview par Pierre Assouline, enregistré le 4 avril 2023, mis en ligne en mai) ⤵️

Fréquence protestante (entretien avec Marion Castelnau-Rouillard, 27 avril 2023)

Tenoua (numéro 191, printemps 2023) : recension par Anna Klarsfeld ⤵️

Comment le judaïsme pense-t-il la place de l’humanité dans le monde ? C’est la (vaste) question que l’ouvrage de Jean-Christophe Attias entreprend d’explorer, à travers l’analyse – rigoureuse mais toujours accessible – de textes de la tradition juive, entrecoupée du récit du cheminement personnel de l’auteur, de l’enfant d’un père juif et d’une mère charentaise plein de questionnements au jeune adulte converti et pratiquant, jusqu’à, enfin, l’homme d’aujourd’hui, toujours passionné d’exégèse mais ayant abandonné l’orthodoxie.

L’ouvrage est sous-titré « écologie et judaïsme » mais ne vous y trompez pas : il va bien au-delà d’une réflexion sur ce que l’on pourrait appeler un « rapport juif à l’environnement ». Il aborde le sujet, bien sûr – et de façon passionnante. Toute la première partie y est consacrée. L’auteur y expose, à travers quantité de références, la relation ambiguë que les grands textes du judaïsme dessinent entre l’humanité et le reste de la Création, entre injonction à dominer et devoir de protéger, mise à distance et reconnaissance d’un lien d’interdépendance, soumission à un ordre naturel et effort de domestication.

Mais l’ouvrage de Jean-Christophe Attias traite de bien plus que du rapport juif à la nature : il ébauche un rapport juif au monde dans son ensemble. Un rapport au monde qui, montre-t-il, se construit dans une tension permanente entre, d’une part, une volonté obsessionnelle de préserver un ordre divin fondé sur la distinction et, d’autre part, l’idéal d’un monde rédimé dans lequel les contraires pourraient cohabiter dans l’harmonie. L’obsession de la séparation se traduit par une Loi visant à prévenir toute forme de confusion : entre le lin et la laine, le lait et la viande, les hommes et les femmes, et, in fine, les juifs et les non-juifs. L’horizon, néanmoins, reste celui d’une concordance, à terme, entre les nations.

L’auteur met en évidence cette aspiration à l’universel à travers plusieurs exemples, notamment un particulièrement parlant. Si le mélange du lin et de la laine (dit sha’atnez) est en général interdit, les deux fibres – fait-il remarquer – peuvent cependant être associées dans les tissus sacrés : dans les tentures du Tabernacle (le Temple portatif des Hébreux dans le désert), l’habit du Grand prêtre, et aujourd’hui encore, dans l’étoffe du tallit (le châle de prière). Comme pour nous rappeler que la nécessité d’opérer des distinctions ne valait que dans l’exacte mesure où elle permettrait l’avènement, un jour, d’un monde apaisé.

L’exemple du sha’atnez n’est qu’une référence parmi la multitude d’autres mobilisée par Jean-Christophe Attias, allant puiser tant dans les textes bibliques, talmudiques et midrashiques que dans les commentaires qu’en livrent les grands exégètes (Rashi, Maïmonide, Ibn Ezra, Abravanel et bien d’autres). Pour foisonnant qu’il soit, l’ouvrage ne se fait pour autant jamais lourd ni austère. Loin de là, il sait rester digeste grâce à l’alternance entre des passages érudits et des pages plus intimes et émouvantes, et grâce à une écriture fluide, légère, souvent même humoristique.

Il évite, enfin, l’écueil majeur que l’on aurait pu craindre, d’une approche apologétique des textes faisant de la Torah un manifeste écologiste ou féministe avant l’heure. Point ici de réécriture ni même de lecture trop sélective des textes, qui aurait pu verser dans la caricature en cherchant à tout prix à faire entrer la tradition juive dans un agenda politique ou idéologique donné. Jean-Christophe Attias fait au contraire preuve d’une remarquable honnêteté intellectuelle en présentant une vision subtile et nuancée de chaque point abordé, donnant à lire les textes dans toute leur complexité et, parfois, leurs contradictions. Une lecture à la fois stimulante et agréable, en somme, que nous recommandons à tous les lecteurs de Tenou’a!

RFI (Religions du monde, 9 avril 2023)

RTL (Entrez dans l’Histoire, 8 avril 2023)

Chema (avril 2023) ⤵️

Radio Notre-Dame (interview, 6 mars 2023)